Il pousse plus de choses dans un jardin que n’en sème le jardinier…

La vi(gn)e est belle !
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La vi(gn)e est belle !

La vi(gn)e est belle !

Aux origines…

 

Le mois de septembre, c’est la saison des vendanges ! Période qui se trouve de plus en plus tôt sur le calendrier d’années en années, tellement les conditions climatiques évoluent d’ailleurs… Nous sommes tellement habitués à ce rituel de fin d’été, que nous avons oublié qu’il est apparu il y a fort longtemps dans l’Est du bassin méditerranéen.

 

Comment, vous ne saviez pas ? Alors cet article est pour vous !

On vous parlera de vignes en long, en large et en travers. De leur sélection, des cépages, de leur domestication, en passant par leur histoire et ce jusqu’à leur installation – en bac ou en pleine terre – aujourd’hui dans les villes ! Et comme à notre habitude, on vous donnera quelques références bibliographiques si vous souhaitez aller plus loin.

 

Les plus anciennes traces de culture de la vigne et de vinification ont été récemment découvertes en Géorgie (Caucase) et datent de plus de 8 000 ans. À cette époque, l’Homme a commencé par récolter les fruits de cette liane sauvage avant de la cultiver, un peu plus tard, pour en faire le breuvage que l’on connaît et qui est toujours consommé de nos jours.

 

Bon d’accord, à l’époque, on n’avait pas les techniques de conservation de maintenant et on ajoutait au vin de la résine végétale pour le conserver. Ça lui donnait d’ailleurs un certain goût, voire un goût certain de « désodorisant au pin des landes »…

Et, si vous vous avez les papilles curieuses, vous pouvez vous essayer au vin « résiné » qui est encore produit en Grèce ainsi que dans certaines localités de Méditerranée orientale. Les grecs anciens y ajoutaient non seulement de la résine pour conserver leur vin mais aussi une flopée d’herbes et d’épices de toute sorte pour le parfumer.

 

L’œnologie est une science bien complexe qui ne cesse d’évoluer !

De la vigne des bois à la vigne des champs

 

Il existe plus de 70 espèces de vigne du genre Vitis répandues entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. Ce sont des arbrisseaux sarmenteux voire des lianes qui peuvent atteindre, pour certaines, plusieurs dizaines de mètres de long. C’est l’espèce Vitis vinifera originaire du Caucase et du bassin méditerranéen qui s’est imposée pour faire du vin. Plus précisément, c’est la sous-espèce sauvage V. vinifera sylvestris – qu’on appelle lambrusque – qui a été domestiquée et qui, au fil des siècles, est devenue la vigne cultivée (V. vinifera sativa).

 

Les chercheurs savaient déjà que la vigne avait changé de sexe au cours de sa domestication, mais ils n’ont découvert que très récemment les mécanismes moléculaires responsables. Et oui, chez la lambrusque, les sexes sont séparés (une fois n’est pas coutume chez les plantes, cf. Espèce de courge !) avec des individus mâles et des individus femelles, alors que notre vigne cultivée porte les deux sexes sur le même pied. Une fois de plus, l’Homme s’est encore mêlé des histoires d’amour des plantes qu’il a cultivées…

 

Comme vous vous en doutez, la domestication de V. viniferane s’est pas arrêtée là ! En effet, tout comme il existe de nombreuses variétés de fruits et légumes, il y a de nombreuses variétés de vigne. Les dénombrer s’avère du reste très difficile, mais une estimation de 6 000 variétés semble se rapprocher d’une réunion.

 

La vigne est une culture tellement particulière que des termes spécifiques lui sont consacrés : on ne dit pas « variété », on dit « cépage » ; on ne dit pas « champ » on dit « vignoble » ; on ne dit pas « tronc », on dit « cep », et on ne dit pas région de production on dit « terroir ». D’ailleurs certains cépages sont spécifiques d’un terroir : le Chardonnay est originaire de Bourgogne du Sud, et le Cabernet-Sauvignon est né dans le Sud-Ouest…

 

Les vignes américaines – notamment V. labrusca – sont tout aussi aptes à donner des fruits dont on peut faire du vin. Mais celui-ci développe un goût dit « foxé », rappelant les odeurs de renard ou encore de punaise écrasée, qui ne séduit évidemment pas les amateurs.

 

C’est donc V. vinifera qui est majoritairement cultivée !

Vignoble du Beaujolais. Septembre 2020
Cep de Vitis vinifera (Gamay)

Clones, Greffes, Hybrides & Chimères

 

On croirait ces termes sortis tout droit du laboratoire du Dr. Frankenstein. Et pourtant, ils racontent  l’histoire botanique complexe de la culture de la vigne.

 

Pour obtenir les différents cépages, les viticulteurs ont croisé et sélectionné différents individus au cours des siècles. Les cépages obtenus et correspondant à leur goût, les viticulteurs les ont emportés avec eux dans leurs voyages et conquêtes de nouveaux territoires sous forme de boutures. Et bouturer des plantes, ce n’est ni plus ni moins que faire de la reproduction clonale !

 

Un consortium international de recherche avec INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) a séquencé les ADN anciens de 28 pépins de raisin provenant de 9 sites archéologiques datant de l’âge du fer (500 ans avant notre ère), de l’époque romaine et du Moyen-Âge. Et surprise, dans un site proche d’Orléans vieux de 900 ans, les chercheurs ont trouvé un pépin dont l’ADN est identique à celui du cépage Savagnin cultivé actuellement dans le Jura et qui donne les célèbres vins jaunes. Ce cépage est resté inchangé depuis presque un millénaire ! Ils ont aussi pu démontrer que des pépins datant de l’époque romaine sont très similaires génétiquement au Pinot noir et la Syrah actuels.

« Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre »

Colette

Tout aurait pu rester inchangé dans le vignoble français si le phylloxera n’avait pas débarqué (au sens propre) à la fin du 19ème siècle. Les épidémies ne touchent pas que les humains !!!! Ce puceron des racines a été importé accidentellement avec des vignes américaines sur le sol français. V. vinifera est très sensible à ce ravageur alors que sa cousine américaine le supporte très bien. En quelques années, le phylloxera a eu raison de la quasi-totalité du vignoble français.

La solution à cette catastrophe a été donnée par – encore un botaniste ! – Jules Émile Planchon en 1873 :

 

  1. le greffage de nos cépages sur des porte-greffes américains directement ;
  2. ou le greffage sur des porte-greffes hybrides franco-américains plus aptes à supporter les sols calcaires que la vigne américaine trop sensible à ce type de roche. Et ce, pour le plus grand bonheur des amateurs de champagne ;o)

 

Actuellement, la majorité des vignes en France sont européennes au dessus du sol et américaines en dessous…

Les fantaisies génétiques de la vigne auraient pu s’arrêter là mais c’était sans compter sur la plasticité du génome et les mutations spontanées. En effet, les cépages ont été multipliés au cours des siècles par clonage. Or, au cours de ce processus, des mutations spontanées surviennent ponctuellement et peuvent conduire à l’apparition de clones « variants », différents de la plante-mère. Des chercheurs d’INRAE de Colmar ont étudié ces mutations naturelles sur les cépages alsaciens : Pinots noir, blanc et gris.

Le Pinot noir à l’épiderme et la pulpe des baies noirs. Le Pinot Blanc a l’épiderme et la pulpe sans pigments, et le Pinot gris a l’épiderme noir et la pulpe sans pigments.

 

Dans le cas du Pinot noir, certaines mutations spontanées ont conduit à l’apparition de cellules dépourvues des gènes activant la synthèse des pigments, les anthocyanes. C’est ainsi qu’est né le Pinot blanc sans pigment à partir du Pinot noir par mutation naturelle.

 

Et dans le cas du Pinot gris, la mutation a touché une cellule plus interne de la plante : la multiplication de la cellule mutée a conduit à une plante associant un épiderme ayant gardé la capacité de synthétiser les pigments, alors que les cellules internes l’ont perdu. Le Pinot gris présente donc un génome chimérique entre le Pinot noir et le Pinot blanc.

En bref, pour simplifier à outrance, le Pinot gris est génétiquement Pinot noir dehors et Pinot blanc dedans !

Baies de Gamay (épiderme noir et pulpe blanche) et de Chasselas (épiderme blanc et pulpe blanche)

Des vignes partout, même en ville…

 

De nos jours, V. vinifera a conquis les cinq continents. On cultive la vigne non seulement, sous les différents climats méditerranéens à travers le monde : Californie, Amérique du Sud, Australie, Afrique du Sud, mais aussi dans des régions plus exotiques comme au Viêt-Nam ou même à Tahiti ! Mais rien n’est jamais figé lorsque l’on s’intéresse au vivant… les évolutions du climat font que les zones de production de la vigne s’étendent petit à petit, et des pays hier vierges de toute viticulture la développe aujourd’hui. Avez-vous déjà dégusté un vin polonais ?

 

On trouve certes la vigne au vignoble mais vous pouvez aussi la cultiver chez vous pour la consommer en raisin de table et pourquoi pas sur votre terrasse ?

En tant que botanistes urbains nous acclimatons certains cépages en bacs, comme le chasselas, que nous faisons grimper sur des pergolas. Ces structures permettent à la vigne de bien se développer au soleil, de produire plusieurs kilogrammes de raisin par an et de fournir une ombre fraiche afin de profiter de sa terrasse pendant les mois chauds. La vigne est en effet une plante idéale pour lutter contre les îlots de chaleur. Sans perdre de vue que l’hiver, les feuilles tombent pour laisser rentrer davantage de lumière dans nos intérieurs.

 

Elle est pas belle la vi(gn)e ?

 

Par ailleurs, dans un environnement citadin, la vigne est peu attaquée par ses ennemis héréditaires du vignoble que sont les champignons pathogènes comme le mildiou et l’oïdium. En ville, quelques traces très précoces d’acariose (érinose) peuvent être observées au printemps sans aucun impact ni sur la beauté du feuillage ni sur la production.

 

Alors laissez-vous tenter par cette liane pleine de surprises sur votre terrasse. Parce que planter des arbres, c’est bien, mais planter un cep de vigne c’est bien aussi !

Vigne & Pergola au 5ème étage de Lyon 9. Avril 2020
La vi(gn)e est belle

Pour aller plus loin

 

– Palaeogenomic insights into the origins of French grapevine diversity.

Jazmín Ramos- Madrigal, Anne Kathrine Wiborg Runge, Laurent Bouby, Thierry Lacombe, José Alfredo Samaniego Castruita, Anne-Françoise Adam-Blondon, Isabel Figueiral, Charlotte Hallavant, José M. Martínez-Zapater, Caroline Schaal, Reinhard Töpfer, Bent Petersen, Thomas Sicheritz-Pontén, Patrice This, Roberto Bacilieri, M. Thomas P. Gilbert et Nathan Wales. Nature Plants, 10 juin 2019.

 

– The wild grape genome sequence provides insights into the transition from dioecy to hermaphroditism during grape domestication.

Hélène Badouin, Amandine Velt, François Gindraud, Timothée Flutre, Vincent Dumas, Sonia Vautrin, William Marande, Jonathan Corbi, Erika Sallet, Jérémy Ganofsky, Sylvain Santoni, Dominique Guyot, Eugenia Ricciardelli, Kristen Jepsen, Jos Käfer, Hélène Berges, Eric Duchêne, Franck Picard, Philippe Hugueney, Raquel Tavares, Roberto Bacilieri, Camille Rustenholz & Gabriel A. B. Marais. Genome Biology, 7 septembre 2020.

 

– Chromosome Replacement and Deletion Lead to Clonal Polymorphism of Berry Colorin Grapevine. 

Frédérique Pelsy, Vincent Dumas, Lucie Bévilacqua, Stéphanie Hocquigny, Didier Merdinoglu. PLoS Genetics, 2 avril 2015.

 

Les secrets de la famille Pinot

Souvenir des vendanges 2020...
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