Il pousse plus de choses dans un jardin que n’en sème le jardinier…

Espèce de courge !
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Espèce de courge !

Espèce de courge !

Pas de panique. Ne vous sentez pas visé·e·s, nous n’insultons personne ! Cette semaine nous allons vous parler de la grande famille des courges : les Cucurbitacées.

 

Vous vous demandiez comment briller en société, cet été, autour d’un barbecue, un verre de rosé à la main ? Alors cet article est pour vous ! Nous allons répondre à des questions que vous ne vous êtes probablement jamais posées. Une chose est certaine, vous ne ressortirez pas indemne de la lecture de cet article !

 

De la pluralité de leurs origines, jusqu’à leur culture en pot sur votre terrasse, en passant par « le sexe entre courges, c’est comment ? » et le « pourquoi certaines ont des graines et pas d’autres ? », vous saurez tout – ou presque – sur les Cucurbitacées.

Et pour finir, ne manquez pas LA recette bonus des Garçons !

Les représentants cultivés des Cucurbitacées comprennent plusieurs « tribus » dont 3 sont abondamment cultivées en France métropolitaine :

    1. Les Cucurbita (courges, courgettes, pâtissons, citrouilles et autres potimarrons et butternuts),
    2. Les Cucumis (melons, concombres et cornichons),
    3. Et les Citrullus (pastèques et coloquintes).

Ces grosses baies (si, si… allez jeter un œil sur La Controverse du Potager) nous accompagnent tout l’été jusqu’à l’automne. Consommées crues, cuites, en version salée ou sucrée ; elles nous viennent de la nuit des temps et des quatre coins de la planète.

Ancien Monde et Nouveau Monde

 

Cette fantastique famille de plantes a accompagné l’Humanité dès les débuts de l’agriculture et ce, des 2 côtés de l’océan Atlantique.

 

Les melons et les pastèques nous viennent d’Afrique. Et plus précisément du désert du Kalahari, dans le sud de l’Afrique, pour la pastèque. Bien connue pour être une source d’eau, les Bushmen l’appellent « tsamma »Le melon était déjà cultivé en Egypte il y a plus de 4000 ans. On en a même retrouvé des représentations dans les tombes anciennes. Et pour revenir à la pastèque, elle avait déjà fait du chemin à cette époque puisque qu’on en a trouvé des graines dans le tombeau de Toutankhamon !

 

Le concombre, qui appartient au même genre botanique que le melon, est, lui, originaire du Nord de l’Inde et a été domestiqué aussi il y a plus de 4000 ans par les populations locales. Rapidement ces trois espèces ont essaimé dans l’Ancien Monde.

Melons et pastèques ont été exportés jusqu’en Chine, tandis que le concombre en suivant le chemin inverse est arrivé dans le bassin méditerranéen au cours de l’Antiquité.

Pastèque, melon, courgettes & concombre...

Les courges & Co (les Cucurbita) par contre, viennent du continent américain et comptent une quinzaine d’espèces dont 5 sont actuellement cultivées.

Elles étaient déjà consommées il y a plus de 10 000 ans dans la région du Mexique. Toutes les espèces sauvages de Cucurbita sont amères. Ce qui explique qu’au départ, seules les graines étaient consommées. Les amérindiens ont peu à peu sélectionné des variétés non amères pour manger la totalité du fruit et ensuite les cultiver.

 

Les peuples précolombiens cultivaient les haricots, maïs et courges en association ou en ‘compagnonnage’, comme on dit maintenant : les maïs servaient de tuteurs aux haricots, les courges couvrant de leurs longues tiges les sols ombrageaient ces derniers avec leurs feuilles larges pour limiter l’évaporation de l’eau et les garder frais, enfin les haricots fournissaient de l’azote naturel aux deux autres grâce à leur symbiose avec les bactéries fixatrices d’azote atmosphérique. Les 3 espèces s’offraient des bénéfices mutuels au profit de la production agricole.

Cette technique est toujours utilisée de nos jours. On se dit que c’est toujours surprenant de redécouvrir des techniques développées par nos ancêtres (ok, pour les précolombiens, ça remonte à pas mal de temps, mais on a tous un exemple un chouïa plus récent, non ?) !

Et c’est grâce aux voyages de Christophe Colomb que les courges sont arrivées en Europe et ont commencé à y être cultivées. Pour faire bonne mesure, Monsieur Colomb avait emmené, dans ses bagages à l’aller, des graines de melons et de concombre qu’il a données aux amérindiens de l’île d’Hispaniola (Saint-Domingue/Haïti) lors de ses premiers voyages. Ces 2 espèces ont été propagées sur le continent par les populations locales jusqu’au Canada avant même l’arrivée des premiers colons européens.

Bref, dès la fin du 15ème siècle, toutes les espèces consommées actuellement avaient déjà fait le tour du monde !

 

Afrique, Asie, Amérique… et en Europe, on n’a pas de Cucurbitacées endémiques ? Et bien si et vous en connaissez peut-être ! Non, là encore on ne vise personne en particulier ;o)

Il y a la bryone dioïque (Bryona dioica), une plante grimpante que l’on trouve dans les haies. Ses fruits ressemblent à des groseilles, vertes puis rouges à maturité mais hélas ne sont pas comestibles car éminemment toxiques… Mais il y a aussi le concombre d’âne (Ecballium elaterium), originaire des régions méditerranéennes, qui a la caractéristique d’avoir des petits fruits sous pression ! En effet, à maturité, il y a l’équivalent de la pression d’un pneu (6 bars) à l’intérieur du fruit ; au moindre frôlement les fruits explosent comme des pétards naturels, les graines sont éjectées et vont se ressemer plus loin à la plus grande joie des enfants (petit clin d’œil à Henri, le grand-père d’Arnaud qui en semait lorsqu’il était petit, autant pour l’amuser que pour lui faire découvrir les plantes et leur diversité). Ce mini-concombre, lui non plus, n’est hélas pas comestible…

Bryone dioïque (Bryona dioica). Dans le jardin de Marie & David. Rhône, juillet 2020
Concombre d'âne (Ecballium elaterium). Planche botanique de la Flore Bonnier

Des fleurs, des fruits, des graines… ou pas !

 

Là, on entre dans le compliqué… Attachez vos ceintures, ça va secouer ;o)

Les Cucurbitacées sont des farceuses à plus d’un titre concernant leur reproduction qui s’effectue principalement grâce à la pollinisation des fleurs par les abeilles (reproduction croisée). Certaines espèces ont les sexes séparés (plantes mâles et femelles), d’autres ont des fleurs mâles et des fleurs femelles sur le même pied et même des organes mâles et femelles sur la même fleur (hermaphrodisme) et tout ça, en différentes combinaisons… On n’entrera pas dans les détails de la diversité florale en fonction des espèces car l’Homme s’en est aussi largement mêlé pour brouiller encore plus les pistes.

Fleur de courgette jaune (Cucurbita pepo ssp. pepo). Var, juin 2020

« Le melon a été divisé en tranches par la nature afin d’être mangé en famille. La citrouille étant plus grosse peut-être mangée avec les voisins »

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre

Mais en résumé, les melons, concombres et pastèques sont particulièrement « sages » concernant leurs partenaires sexuels. Ils ne s’accouplent qu’avec des partenaires de la même espèce : le pollen de melon ne peut féconder que des fleurs de melon. Il en est de même pour le concombre et la pastèque : le concombre avec le concombre et la pastèque avec la pastèque. Donc, si vous replantez des graines de pastèques, melons ou concombres que vous avez préalablement dégustés, vous aurez de fortes chances d’obtenir en génération suivante la même plante, voire la même variété et donc les mêmes fruits. Vous allez nous dire : « il n’y a pas grand-chose d’étonnant jusqu’ici ! ».

 

Par contre, nos copines américaines, déjà plus modernes, aiment bien l’innovation en termes de partenaires de reproduction. Les espèces de Cucurbita sont partiellement inter-fertiles entre elles et évidemment elles sont aussi fertiles au sein de la même espèce. Par exemple, la courgette, la citrouille, le pâtisson et la courge spaghetti appartiennent à la même espèce : Cucurbita pepo. Si vous vous amusez à ressemer des graines de ces espèces, vous risquez d’obtenir de drôles de fruits si en amont, elles se sont croisées avec une autre espèce ou variété ! Car si le fruit est bien produit par le pied mère, la graine, elle, est issue du mélange du pollen du papa et de l’ovule de la maman, comme on apprend à l’école. Il en est de même pour les potirons, potimarrons et giraumons de l’espèce Cucurbita maxima qui se marient facilement entre eux et donnent une descendance plus qu’incertaine… En Amérique on aime le melting-pot !

Nous vous conseillons d’en faire l’expérience dans vos jardins, cela vous amusera de voir l’originalité des formes et des couleurs que vous obtiendrez. Par ailleurs, vous ne risquerez pas grand-chose à les manger : au pire, elles n’auront que peu de goût.

Citrouille (Cucurbita pepo ssp. pepo). Jardin de Meise (Belgique), août 2019

Si vous avez ou avez eu un jardin, vous l’avez certainement aussi remarqué : les concombres du jardin ont des graines tandis que ceux que l’on trouve chez nos maraichers n’en n’ont pas. Les sélectionneurs se sont rendus compte que certaines variétés de concombre développaient leurs fruits sans qu’il y ait eu fécondation. Et là, vous qui êtes de fervents lecteurs de nos articles, vous nous dites illico : c’est le phénomène de parthénocarpie, comme chez la banane ! Mais ces variétés sont tout de même fertiles et peuvent produire des graines s’il y a pollinisation. Alors pour empêcher la fécondation des pieds « mères » par les abeilles, les producteurs sont obligés d’isoler les plantes dans des serres dans le but d’empêcher les abeilles d’entrer afin d’obtenir des fruits sans graines… du coup, le déconfinement chez les concombres, c’est pas pour demain !

 

Et les pastèques sans graines ? Là encore, les sélectionneurs ont usé de ruses pour tromper les plantes… Ils ont tout d’abord obtenu des plants de pastèques avec des fleurs stériles et ont attendu. Rien ne se passait : les fleurs stériles ne se transformaient pas en fruits. Ils ont donc pollinisé ces fleurs stériles avec du pollen d’une variété fertile. La simple présence de ce pollen fertile a déclenché chez la plante-mère à fleurs stériles le processus de développement du fruit contenant des ovules stériles… C’est comme ça que vous pouvez manger des pastèques sans graines tout l’été, tout en étant complice d’un mariage « blanc » !

Un potimarron sur le balcon

 

Une fois n’est pas coutume, vous pouvez aussi cultiver chez vous sur votre balcon, courges, melons, concombres ou pastèques ! Comme ce sont des plantes « filantes », elles en profiteront pour sortir loin de leur pot et faire leurs fruits à même les dalles ou les lames en bois de votre terrasse. On peut semer les graines à l’extérieur dès le mois de mai après les Saints de glace ou installer directement des plants que l’on aura fait germer en godet à l’intérieur, 3 semaines auparavant. Il faut utiliser un contenant de grande contenance (25 litres minimum) et drainer le fond avec des billes d’argiles. Les Cucurbitacées sont gourmandes et ont besoin d’un substrat très riche en matière organique (le « 100% de fumier composté » leur va très bien ! )… et de beaucoup d’eau tout au long de l’été. Ce n’est pas pour rien si nos grands-parents utilisaient l’expression : « boire comme un plant de courge » lorsqu’ils voulaient se moquer d’une personne assoiffée s’adonnant de manière exagérée à la boisson. Mais, pour en revenir à nos courges, n’oubliez pas de pailler le pot pour limiter l’évapotranspiration.

 

Pour les courges, potirons, potimarrons, la taille (ou le « pincement ») est importante pour obtenir de beaux fruits. Couper d’un coup sec l’extrémité de la tige entre deux doigts au dessus des 2 premières vraies feuilles. De nouvelles tiges vont se développer. Opérer de la même façon sur chaque nouvelle tige au dessus de la cinquième feuille. Enfin quand les petits fruits apparaissent, couper les rameaux à la deuxième feuille après le dernier fruit que vous souhaitez conserver.

 

Vous pouvez ne conserver que 2 à 3 beaux fruits pour avoir la certitude qu’ils arrivent à maturité à l’automne. Pour les courgettes qui prennent beaucoup de place en hauteur et en volume, vous pouvez opter pour la variété Longue de Nice qui est une variété qui court comme les potirons.

Le bonus des garçons : la recette de l’été.

 

C’est le début de la saison des courgettes ! Voici une petite recette rafraichissante simple et rapide qui vous permettra de déguster la courgette d’une autre façon que la traditionnelle cuisson poêlée ou grillée.

Carpaccio de courgettes, avant...

Le Carpaccio de courgette (pour 4 personnes)

Au garde-manger
  • 4 jeunes courgettes vertes pas trop grosses et à la peau bien brillante (les courgettes jaunes ont plus une saveur de citrouille… vous vous souvenez, c’est la même espèce !)
  • Huile d’olive
  • Citron
  • Parmesan ou Pecorino
  • Fleur de sel
  • Poivre du moulin

 

Au boulot
  • Bien laver les courgettes pour enlever les traces de terre et les petits poils de la peau
  • Couper le pédoncule et la partie de l’attache de la fleur (les 2 bouts quoi…), on ne l’épluche pas
  • A l’aide d’un économe, ou mieux d’une mandoline, faire des tranches fines de grande largeur, dans le sens de la longueur de la courgette
  • Disposer les tranches sur une grande assiette sans les faire trop se chevaucher
  • Ajouter un filet d’huile d’olive et un filet de jus de citron
  • Laisser mariner 30 minutes
  • Ajouter le Parmesan ou le Pecorino râpé ou en copeaux

 

A table
  • Relever votre carpaccio avec du poivre, voire un peu de fleur de sel (attention le fromage est déjà salé !) et pourquoi pas quelques fleurs d’origan
  • Déguster le carpaccio très frais en entrée accompagné d’une eau « herbée » ou, pour les amateurs, d’un petit verre de vin rosé de Provence
... Tadam !!! Carpaccio de courgettes, 40 minutes plus tard

Pour aller plus loin

 

 

  • Histoires de légumes. Des origines à l’orée du XXIèmesiècle.  Coord. Michel Pitrat et Claude Foury. Editions QUAE

 

2 Comments
  • Aude TOULOUSE

    27 juillet 2020at8 h 29 min Répondre

    Merci les Garçons! Toujours beaucoup d’humour dans vos articles, ça permet de bien démarrer la semaine! Et puis une fois de plus vous m’avez donnez envie de planter un potiron sur ma terrasse….

    • Thomas et Arnaud

      31 juillet 2020at10 h 36 min Répondre

      Bonjour Aude et merci pour ce chouette message ! A planter pour les manger (fleurs et fruits) tout autant que pour les regarder pousser ou les creuser pour Halloween, ces courges sont une source d’inspiration incontestable. Rendez-vous à l’automne pour une recette de potimarron confit à l’anis vert ;o)
      Bel été

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